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Expansion du répertoire de phages à usage thérapeutique contre les variants lisses et rugueux de Mycobacterium abscessus dans la mucoviscidose
Axe de recherche : Infection Délégation territoriale : Languedoc-Roussillon Domaine de recherche : Recherche fondamentale
Porteur du projet : Laurent KREMER
Contexte :
Mycobacterium abscessus est responsable d’infections pulmonaires sévères qui sont très difficiles à éradiquer du fait de la résistance naturelle de cette bactérie aux antibiotiques ainsi que des rechutes fréquentes observées après traitement. De nouvelles alternatives thérapeutiques sont donc requises pour traiter ces patients. L’utilisation des bactériophages, capables de lyser des bactéries, pourrait être implémentée lorsque le traitement par l’antibiothérapie classique demeure inefficace, une situation décrite lors de complications respiratoires causées par M. abscessus dans la mucoviscidose. Ce projet vise à isoler et à caractériser de nouveaux phages, actifs notamment sur les souches lisses et rugueuses de M. abscessus, et d’étudier les mécanismes de résistance mis en place par la bactérie pour contrer le processus infectieux. Il a pour objectif d’étendre le répertoire de phages thérapeutiques pour permettre à davantage de patients de pouvoir bénéficier d’un traitement phagique.
Objectifs :
Les traitements contre les infections respiratoires à M. abscessus dans la mucoviscidose sont très lourds, peu efficaces et souvent mal tolérés par les patients. Or, plusieurs études compassionnelles ont rapporté l’effet bénéfique d’une perfusion de bactériophages (en combinaison avec des antibiotiques) dans le traitement de patients atteints de mucoviscidose, souffrant d’une infection pulmonaire sévère causée par M. abscessus. Cependant, les données décrivant l’efficacité d’action des phages chez M. abscessus restent très éparses et le nombre de phages efficaces sur des souches cliniques reste limité. Ainsi, dans le but d’étendre la phagothérapie chez les patients, nous nous proposons d’isoler et de caractériser de nouveaux phages, de déterminer leur activité thérapeutique et de décrire les mécanismes de résistance mis en place par la bactérie pour échapper à l’activité lytique de ces phages.
Perspectives :
Si seules des études cliniques menées sur un grand nombre de patients apportera la preuve scientifique de la bonne tolérance et de l’efficacité de la phagothérapie dans le contexte de la mucoviscidose, des études fondamentales, telles que celles préconisées dans le cadre de ce projet, restent absolument nécessaires pour optimiser l’efficacité d’action des phages et accroître notre éventail de phages thérapeutiques pour que davantage de patients puissent rapidement avoir recours à la phagothérapie en cas de besoin. Nos résultats sont particulièrement intéressants puisqu’ils démontrent, pour la première fois, qu’il est possible d’isoler des phages actifs susceptibles de lyser des variants S et R de M. abscessus, justifiant amplement la poursuite de ces études.
Ainsi, la troisième année de thèse s’articulera, de façon très logique dans la suite des résultats présentés et selon le calendrier initial, essentiellement autour de deux thèmes centraux :
1) La caractérisation des nouveaux marqueurs de résistance de plusieurs phages, ce qui nous renseignera sur les facteurs bactériens qui sont nécessaires à l’infection pour ces phages et sur la spécificité de ces mécanismes. Nous essaierons de comprendre, au niveau moléculaire, l’importance de la voie du mycothiol et le rôle potentiel de la protéine MSMEG_4252 dans la susceptibilité de l’infection par le phage thérapeutique BPs. Les résultats issus de ces travaux nous renseigneront sur des composants moléculaires inédits gouvernant les interactions spécifiques entre les phages et leur bactérie cible et nous permettront de savoir s’ils sont spécifiques du phage thérapeutique BPs ou nécessaires à l’infection par d’autres phages.
2) La méthode récemment mise en place au laboratoire, à partir d’échantillons environnementaux, pour isoler des phages sélectionnés sur M. smegmatis a été validée puisqu’elle nous a permis d’isoler trois nouveaux phages dont les analyses génomiques sont en cours. De manière intéressante, deux de ces phages sont très actifs in vitro pour lyser une souche clinique de M. abscessus. Dans le but d’étendre plus largement le répertoire de phages actifs sur M. abscessus, et sur base des protocoles adaptés sur M. smegmatis, nous allons tenter d’isoler des phages en réalisant une sélection directe sur M. abscessus (souche lisse et rugueuse). Pour cela, nous privilégierons l’isolement de phages à partir d’échantillons issus des eaux usées ou de syphons domestiques et hospitaliers.
En résumé, la caractérisation de ces phages, au niveau fonctionnel et génomique, permettra d'accroître le panel de phages thérapeutiques destinés à lutter contre certaines formes d’infections à M. abscessus, actuellement réfractaires aux quelques phages disponibles. L’ensemble de ces résultats devrait accélérer la mise en place de futures études cliniques menées sur un plus grand nombre de patients pour apporter la preuve scientifique de l’innocuité et de l’efficacité de la phagothérapie dans le contexte de la mucoviscidose.
Au-delà de ses aspects fondamentaux, les perspectives d’applications médicales issues de ce projet sont bien réelles et les possibilités d’applications en clinique largement envisageables, comme le témoigne plusieurs études récentes qui relatent d’une amélioration générale de l’état de santé des patients avec augmentation des fonctions pulmonaires chez au moins la moitié des patients traités par phagothérapie en complément de l’antibiothérapie. Si ces traitements restent aujourd’hui limités pour un usage à titre compassionnel, ils mettent cependant en avant l’intérêt majeur de la phagothérapie dans le cas d’infections chroniques sévères multi-résistantes aux antibiotiques. Ces études nécessitent toutefois d’être étayées par des travaux expérimentaux plus approfondis en laboratoire. Dans ce contexte, notre projet s’inscrit dans la logique de ces études cliniques afin de fournir davantage d’éléments fondamentaux permettant de mieux appréhender les interactions et spécificités des phages avec leur spectre d’hôte et de pouvoir mieux optimiser les cocktails phagiques à usage thérapeutiques.
Résultats obtenus :
Nous avons montré l’effet synergique d’un phage actif sur des souches lisses et rugueuses de M. abscessus in vitro lorsqu’il est associé à un antibiotique, suggérant qu’il soit possible d’améliorer son efficacité, et également caractérisé ce phage au niveau génomique. Nous avons également participé à la caractérisation d’un autre phage, particulièrement efficace sur des souches lisses de M. abscessus. Par ailleurs, nous avons identifié deux nouveaux gènes de résistance au phage thérapeutique BPs. De plus, nous avons isolé trois nouveaux mycobactériophages dont deux présentent une activité lytique sur une souche clinique de M. abscessus. Ces premiers résultats prometteurs ouvrent d’ores et déjà sur des perspectives très intéressantes dans le cadre d’une approche thérapeutique alternative pour lutter contre les formes sévères d’infections pulmonaires causées par M. abscessus dans la mucoviscidose.
- Des données sur l'ensemble de la cohorte (2800 patients) ont été transmises à l'Association Vaincre la Mucoviscidose dans le cadre du contrat liant l'Association et Vertex en vue de répondre aux demandes de données de la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé.