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Congrès nord-américain sur la mucoviscidose : retour sur quelques points forts

Après 2 ans d’absence dus à la crise sanitaire de la Covid, la conférence nord-américaine sur la mucoviscidose (NACFC) s’est tenue, en présentiel, du jeudi 3 au samedi 5 novembre 2022 à Philadelphie (État de Pennsylvanie). Les participants venus du monde entier, avec une grande majorité d’américains, ont assisté à l’événement. Chercheurs, soignants, patients, proches mais également des représentants de la société européenne de mucoviscidose (ECFS) et d’associations de patients se sont nourris durant 3 jours d’échanges concernant les avancées et perspectives pour la recherche et les soins. Vaincre la Mucoviscidose y était !

Dernière mise à jour 28.11.2022 à 15h00

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NB : les termes en gras suivis d’une * sont explicités dans un encadré « Lexique » en fin d’article.
 
De nombreuses présentations orales, en ateliers, symposiums ou plénières sur tous les aspects de la maladie se sont alternées, et parmi les sujets les plus souvent abordés en voici trois qui vous sont présentés.
 
Des pistes thérapeutiques pour les patients non éligibles aux modulateurs
 
Les modulateurs de CFTR ont été au centre de nombreuses présentations, et en particulier Kaftrio®, qui constitue une formidable avancée dans la prise en charge de la maladie pour certains malades. L’accent a aussi été mis sur ceux qui ne pouvaient pas en bénéficier.
 
Plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont lancé des développements de thérapie génique sur la mucoviscidose. La majorité de ces développements en sont au stade préclinique, mais certains ont atteint le stade de développement chez l’Homme. En effet, une étude de phase 1 est en cours pour le composé 4D-710 (laboratoire 4D Molecular Therapeutics), vecteur dont le rôle est d’amener à l’intérieur des cellules une copie fonctionnelle du gène CFTR.
 
Splisense, qui développe plusieurs pistes thérapeutiques ciblant les mutations d’épissage*, va lancer une étude de phase ½ du SPL84 (oligonucléotide antisens*) chez les adultes atteints de mucoviscidose porteurs d’une mutation 3849+10kb C->T.
 
 
Les effets de Kaftrio® sur le long terme
 
Les données des patients inclus dans les essais cliniques de phase 3 qui ont permis l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) aux États-Unis et en Europe continuent d’être collectées à ce jour. Les données après 144 semaines de traitement, de plus de 400 patients, ont été analysées et montre des résultats favorables au maintien des bénéfices du traitement sur le long terme.
 
Les bénéfices cliniques de la trithérapie se maintiennent à 144 semaines de traitement avec l’augmentation du VEMS* (gain en moyenne de 14 points de %), la baisse de la valeur du test de la sueur et les améliorations au niveau du statut nutritionnel.
 
Le traitement est dans l’ensemble toujours bien toléré. 98 % des patients rapportent au moins un effet indésirable d’intensité faible ou modérée. 2,8 % des patients ont quand même arrêté le traitement à la suite de l’apparition d’un effet indésirable. Ce nombre relativement faible des patients se retrouve sans solution thérapeutique optimale.
L’événement indésirable survenu le plus fréquemment est l’exacerbation pulmonaire (44,5 % des patients), viennent ensuite la toux et les maux de têtes.
 
Concernant la sphère neuropsychique, la survenue de dépression, est évoquée pour 7 % des patients. Pour l’anxiété et l’insomnie, respectivement, 6,3 et 6 % des patients les mentionnent. 
 
Les cohortes de suivi des patients sous Kaftrio®, en cours depuis 2020 et financées par l’association, ont pour objectif d’évaluer la tolérance et l’efficacité de Kaftrio®, en condition réelles d’utilisation « dans la vraie vie » (en opposition à l’utilisation dans le cadre d’un essai clinique).
 
D’autres cohortes de ce type sont en cours en Europe et en Amérique. Les résultats de l’ensemble de ces cohortes sont fortement attendus. Ils vont nous permettre d’en savoir plus concernant l’impact, sur le long terme, de Kaftrio® sur la santé des malades et leur qualité de vie. D’autant plus que la population de patients est plus importante et moins homogène (différents niveaux d’atteinte, légère comme sévère).
 
 
La vie à l’ère « post-modulateurs de CFTR »
 
Les études pour l’allègement des traitements autres que les modulateurs ont été très largement discutées lors de la conférence. L’étude SIMPLIFY qui a eu lieu aux États-Unis, a évalué l’impact de l’arrêt de la Dornase alfa et la solution saline hypertonique chez des patients traités par Kaftrio®.
 
Deux groupes de patients (l’un qui arrête les 2 traitements inhalés et l’autre qui les poursuit) ont été comparé sur 6 semaines. Les premiers résultats de l’étude montrent que l’arrêt de ces 2 traitements n’a pas d’impact sur le VEMS des patients. Il a été bien rappelé que l’étude a été réalisée chez des patients sans atteinte sévère avec un VEMS autour 90%. D’autres études sur des populations de patients ayant des VEMS plus bas devront avoir lieu avant de pouvoir éditer des recommandations sur l’arrêt de certains traitements pour les patients sous modulateurs.
 
D’autres études (CF-Storm, Hero2…) sur l’allègement des traitements inhalés après la mise sous Kaftrio® sont en cours en Europe et en États-Unis. Leurs résultats fourniront de nombreux éléments de réponses aux questions que se pose la communauté.
 

Plus d’informations : Un article plus détaillé sur différents sujets (nombreux) abordés lors de cette conférence est en préparation pour le magazine Vaincre 175 (réservé aux adhérents) qui paraîtra en fin d’année.  
 

LEXIQUE
 
*Mutation d’épissage : mutation qui va aboutir à une anomalie au niveau de l’ARNm, copie de l’information génétique utilisée pour la fabrication de la protéine.
 
*Oligonucléotides antisens : courtes séquences d’ARN se liant de façon spécifique à l’ARNm de CFTR afin d’en modifier sa lecture et ainsi modifier une anomalie.
 
*VEMS : volume expiratoire maximal par seconde. Cette mesure, effectuée par spirométrie, correspond au volume d’air expiré pendant la première seconde d’une expiration dite « forcée », à la suite d’une inspiration profonde.

 

Crédits photos : NACFC